Il y a quelques années, je me suis fait inviter sur le plateau de tournage d'un film porno. Le photographe de service m'avait invité comme assistant, et évidemment je n'ai pas pû résister. Les acteurs (pour autant qu'on puisse parler d'acteurs) sont déjà sur le plateau. Ils semblent se connaitre, on croirait qu'ils se sont rencontrés dans un conteneur en provenance d'un pays sans sécurité sociale. Cela ce voit, un des types n'a plus de dents et un autre semble avoir un œil de verre.
Il y a quelques types pas mal parmi les acteurs, mais le producteur est un type louche. Tout ce qu'il fait est illégal: traite de nègres, transport de gens sans papier, vente de warez et de faux médicaments. Les acteurs sont tous en situation illégale. C'est le seul travail qi'ils ont trouvé en ces temps de crise. Ils construisent ta grosse villa et enculent ta femme pour presque rien. Ta fille, ben là c'est même gratuit.
Le shooting a lieu à l'étage supérieur d'un HLM délabré. Il flotte une odeur indescriptible dans tout le batiment. Les sanitaires sont bouchés. Les acteurs, tous des hétéros, avalent quelques pilules pour se mettre en forme et laissent tomber le pantalon. Ils branlent de façon parfaitement synchrone, on dirait qu'ils ont fait çà dès leur plus jeune enfance. Toute la végétation est rasée, ce qui te donne un bon plan sur le terrain d'action. Le shooting en lui même est assez monotone, on n'a pas fait beaucoup de frais pour le décor (ni pour les habits, d'ailleurs). La lumière ne vaut rien (il y a une ampoule qui brûle et il y a de la lumière blafarde qui pénètre par une fenêtre). Il commence à pleuvoir (pas à l'intérieur, heureusement). Il y a un remue-ménage sur le palier. Il semble que les sanitaires sont bouchés à tous les étages, sauf au nôtre, le plus élevé. Des personnes aux mines patibulaires entrent, parlent dans une langue étrangère et ressortent. Pour les poses, le régisseur se réfère à un livret tout chiffoné. On filme des duos et des trios.
Brusquement la caméra cesse de fonctionner. Un exemplaire qui date de l'époque du video-8, c'est la Trabant des caméras vidéos. Un palabre avec un acteur qui ne sait pas très bien s'il doit remballer son accessoire et on se décide pour un PRP (Percussive Repair Procedure). BAF! BAF! BAF! Avec ses grosses mains, il frappe sur le boitier. Cela semble fonctionner à nouveau. Business as usual comme avant. Je ne me sens pas vraiment à mon aise, je suis plutôt gèné d'assister à la scène. Raconter une blague pour détendre l'atmosphère est interdit, c'est mauvais pour la concentration. Et surtout pour "l'accessoire" qui a du mal à se remettre en état. Une remarque sur les dimensions de l'accessoire est formellement interdite, tu es balancé par la fenêtre si tu oses y faire allusion.
Quand même de l'action, mais pas sur le plateau. J'attends dans la file pour aller à l'unique toilette. Le producteur est aussi bouché de l'intérieur que les toilettes de l'immeuble, çà dure, çà dure,... Devant moi, un des acteurs vêtu de seulement un petit essuie qui tombe toujours. J'hésite à prononcer ma phrase-clef “vous venez ici souvent?”, quand une bande se précipite hors d'un duplex, une dixaine de personnes en tout. Tous ont la diarée. La constipation et la diarée ne font pas bon ménage, c'est ce que les personnes ont conclu après un discussion courte mais très excitée. Tous les dix sont repartis vers leur petit duplex. L'odeur qui flotte, maintenant je m'en rends compte, c'est celle d'un hôme de personnes très agées.
De retour au shooting, juste à temps pour le climax, le "cum shot" comme disent les gens de métier. C'est du truc blanc qui sort, j'aurais cru qu'il aurait été bleu avec le nombre de pilules qu'ils ont avalé (il faut dire qu'avec le producteur ils sont à la source des pilules bidon). La dernière scène semble très réussie (il y a du truc qui colle au plafond), elle sera utilisée dans trois films successifs. Je remarque que les papiers-peints se décollent à plusieurs endroits.
En quelques secondes, les protagonistes ont remis leur vêtements et enregistrent les dialogues. Aucune idée en quelle langue ils parlent, il y a deux noirs, deux maghrébins et trois caucasiens (de ceux qu'on montre à la télé quand un dangereux criminel s'est échappé pour la trente-sixième fois). Le régisseur se frotte les mains. Ils peuvent remplir trois films avec leurs borborygmes. Le producteur regarde mon appareil photo avec de plus en plus d'intérêt (il n'a qu'un petit compact à 149€ au GB du coin) et je me dis que je ferais mieux de quitter les lieux.
Tu remarqueras qu'il n'y a pas d'annonces Google sur cette page: j'ai reçu un mail m'obligeant à enlever la publicité. Dommage, car cette page a beaucoup de visiteurs!
Par contre, Google ne se gène pas pour faire la publicité pour du malware. Ah! il est bien loin le temps du “Do no harm”. Il faut croire que l'appât du gain est plus fort que tout...
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