Les APN (appareils photo numériques) peuvent de plus en plus souvent enregistrer en RAW au lieu du mode JPEG. Dans certains cas, les entreprises qui vont utiliser les photos n'acceptent que le format RAW. Mais est-ce que le format RAW est vraiment nécessaire?
En comparaison de cela, les négatifs ont une réserve et il est toujours possible de corriger individuellement chaque photo lors de la réalisation des images positives (tirage). Il suffit d'exposer plus ou moins le négatif développé pour faire resortir les ombres ou les tons clairs sur la photo définitive. Le négatif n'est pas l'aboutissement mais une étape intermédiaire et il est possible de voir directement s'il faut une correction. Dix tirages peuvent produire dix résultats totalement différents selon le type de papier (contraste) et le type de développement (effet compensateur plus ou moins prononcé de certains bains de développement)
Les grands magazines internationnaux (comme National Geographic) qui sont reconnus pour la qualité de leurs photos n'acceptaient que des diapositives, et de préférence du Kodachrome, le système le plus difficile, mais également celui qui donne les meilleurs résultats. On voit directement le résultat sur une diapo, il n'y a pas d'interprétation nécessaire comme avec un négatif.
Les professionnels de la photographie utilisaient aussi bien du film négatif que des diapositives. Le négatif dispose d'un filet de sécurité: même avec un négatif sous- ou sur-exposé, la photo définitive peut souvent être récupérée, ce qui n'est pas le cas avec une diapositive, qui est le résultat final. Les négatifs sont utilisés par les photographes qui couvrent des cérémonies de mariage (il faut voir du détail dans la robe blanche de la mariée et dans le costume noir du mari), les défilés de mode (éclairage incontrolable) et les reporters qui couvrent des conventions, des manifestations, des évènements sportifs (il n'est pas toujours possible d'effectuer une mesure exacte de la lumière ambiante). Les photos sont principalement utilisées sous forme imprimée (périodiques où le rendu sur papier est toujours moindre que la qualité intrinsèque du négatif).
Une transformation mécanique du format 16 bits en format 8 bits produit des images très peu contrastées (la dynamique étant comprimée, un peu comme un enregistreur à K7 bas de gamme à compression automatique). C'est pour cela que la transformation du 16 bits en 8 bits utilise une fonction de transfert qui n'est pas linéaire (tone mapping). L'appareil photo fait cette conversion bien mieux qu'un logiciel plus ou moins générique.
Mais je vois de nombreux photographes qui travaillent en RAW et se contentent de tout transformer mécaniquement en JPEG. Les photographes utilisent le mode RAW pour éviter d'avoir à exposer correctement, tandis que la conversion mécanique ne corrige pas ces défauts. Le travail en mode RAW devrait être réservé aux personnes qui ont effectué des tirages argentiques, qui ont expérimenté avec des masques f(l)ous et des solutions de développement folles.
Travailler en raw signifie qu'il faut déterminer soi-même le point blanc (effectuer la balance des blancs). Or cela implique qu'on dispose d'un moniteur calibré dans un local éclairé naturellement, avec des murs blancs ou noirs (ou gris 18%)... Nos yeux s'adaptent automatiquement aux conditions ambiantes, ce qui fait qu'on ne “voit” plus que la balance des blancs est faussée si on travaille trop longtemps sur une photo. En cas de retouches, on veillera à d'abord corriger la balance des blancs. Un photographe que je connais produit constamment des photos dont les couleurs ne sont pas justes depuis qu'il s'est mis au format RAW...
On parle toujours du grand nombre de bits qu'a le format RAW, mais on oublie que les humains peuvent discerner tout au mieux 10 millions de couleurs (cela correspond approximativement aux 16 millions de couleurs des image JPEG). Lors de l'impression, le nombre de teintes disponibles est encore plus limité à cause du modèle chromatique utilisé (CMYK au lieu de RGB) et de la technique d'impression utilisée (le dégradé n'existe pas en impression: on utilise une trame ou de nombreux petits points).
Si le format RAW contient les données linéaires du capteur, le format JPEG n'est pas linéaire: il attribue plus de pas (nombre de bits) au niveaux de lumination auquels nos yeux sont le plus sensible. Même sans aucune autre transformation, il est possible de caser les 10 bits d'une image RAW dans une image à 8 bits non-linéaires sans que cela ne se remarque. Lisez l'article sur la correction gamma.
Les photographes de métier (ceux qui ont été à l'école) ont appris à visualiser l'image définitive (voyez Ansel Adams et son Zone System). Je préfère composer mon image à l'avance, au lieu d'avoir à la corriger par après. Toutes les photos que je publie ne sont pratiquement pas retouchées. Si la photo est bonne lors de l'enregistrement, pas besoin d'essayer de la corriger par après. C'est autant de temps de gagné.
Et parlons-en du temps! Le format RAW (tout comme le négatif), n'est pas une fin en soi. Il faut transformer ces données brutes en quelque chose de concret (déra(w)tiser l'image). Le format RAW ne contient pas de correction de la balance des blancs, mais simplement les données brutes du capteur. L'appareil photo effectue parfaitement les corrections. Son logiciel est adapté aux données que fournit le capteur. Différents logiciels font la conversion plus ou moins bien, mais en définitive on perd du temps à développer toutes ces photos (ceux qui travaillent en RAW ne prennent généralement pas le temps de composer la photo mais tirent sur tout ce qui bouge).
Un autre inconvénient est que le format RAW appartient au fabricant d'appareil photo. Mettons que dans 5 ans, il te faut un nouvel ordinateur, avec une nouvelle version du système d'exploitation. Est-ce que le programme fourni avec l'appareil photo pourra tourner sur ce système d'exploitation? De nombreux programmes écrits il y a 5 ans ne tournent plus sous Vista ou Windows 7. Or il faut absolument un programme de conversion pour pouvoir lire les fichiers RAW, et il n'est pas sûr que Adobe Lightroom (la version qui tourne sur la dernière version du système d'exploitation) ait les pilotes pour ton format RAW spécifique. Déjà que Nikon tente d'encoder ses fichiers RAW pour éviter qu'ils ne soient lus par les programmes concurrents.
C'est que les fabricants veulent garder la main-mise sur leur format. On appelle cette pratique du vendor lock-in: le fabricant force le consommateur à utiliser un logiciel spécifique, sachant bien que par après, le consommateur aura moins tendance à passer à un concurrent, parce que le logiciel ne fonctionne que pour une seule marque. Ce sont des pratiques qui sont couramment utilisées par Apple, avec ses protocoles qui ne sont compatibles avec rien au monde (sauf si tu restes dans l'univers Apple). C'est pas par hasard que Nikon a tenté d'encoder ses fichiers RAW pour éviter qu'ils soient lus par des logiciels génériques. Le format RAW, c'est donc surtout une initiative commerciale, pas une nécessité technique, puisque pratiquement aucun fabricant n'utilise le format DNG qui est bien standardisé.
Le format RAW n'a-t-il donc que des inconvénients? Pas nécessairement: il permet de profiter de la latitude étendue des capteurs modernes. Il permet de voir des détails dans les parties les plus claires (sans qu'il n'y ait un dépassement de capacité numérique). En ce sens, il permet de photographier des sujets qui ne pourraient pas être photographiés normalement. Mais le mode HDR aurait encore mieux fait l'affaire (prise de plusieurs photos à la suite avec un temps de pose variable et combinaison des différentes images).
Mais en fin de compte, il faudra déra(w)tiser (passer au format classique 8 bits), le seul qui puisse être visualisé sur tous les ordinateurs, le seul que le pilote de l'imprimante accepte. Et ici, les photographes qui ont prévisualisé le résultat avant d'appuyer sur le déclencheur ont l'avantage: la photo qu'ils ont prise (et qui correspond aux 8 zones d'Ansel Adams) est parfaitement exposée et ne doit pas passer par une phase de correction.
D'un autre coté, j'ai vu des photos délavées, sur-exposées, mais dont les tons les plus clairs n'atteignaient pas la valeur $FFF du convertisseur 12 bits de l'époque: la dynamique du capteur est inférieure à celle du convertisseur.
Si votre moniteur n'est pas en mesure de reproduire correctement tous ces blocs (vous ne voyez pas la différence d'un bloc à l'autre), à quoi cela servirait de travailler en 12, 14 ou 16 bits si votre écran ne peut même pas reproduire une image en 8 bits (256 niveaux de gris). Achetez-vous plutot un moniteur pour le traitement de photos (les prix commencent à partir de 800€).
Et à propos de ces entreprises dont je parle en début d'article et qui n'acceptent que le format raw?
Ce sont parfois ces entreprises qui sont le moins bien placé pour développer du RAW: dans l'agence où j'allais dans le temps, il y a une dixaine d'ordinateurs, dont un seul dispose de photoshop. Ils ont même fait les frais d'un spider pour corriger l'écran. Or toute la salle est éclairée par de tubes luminescents "eco range" dont le rendu des couleurs est désastreux. Nos yeux "compensent" automatiquement ce rendu désastreux, et compensent donc aussi les photos affichées sur l'écran. Une photo correcte à leur yeux est en fait une photo un peu trop verdâtre.
Conclusion (et j'exagère à peine): le mode RAW, c'est pour les photographes qui sont avant tout photoshoppeur (ou infographiste, qui est aussi une injure à mes yeux), et qui n'ont jamais suivi des cours de photographie. C'est une invention des commerciaux (beurk!) pour vendre du matériel à des connards qui ne s'y connaissent pas.
Le format raw est pour ceux qui sont tellement appeurés que leurs photos soient ratées s'ils photographient en jpeg. Des trouillards qui savent à peine utiliser leur appareil et se rabattent sur le raw pour essayer de corriger par après ce qu'ils auraient tout aussi bien pu photographier correctement dès l'instant même.
+0.5EV | +2.0EV |
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L'exposition de la photo ci-dessus a été réglée par une mesure center-weighted sur le centre de l'image (où se trouve les lampes). Une exposition à +0.5EV (surexposer d'un demi stop) fournit une image du luminaire qui est encore acceptable, mais le fond de l'image est fort bruitée.
Une exposition à +2.0EV brule tous les détails du luminaire, mais le tableau est mieux visible.
En photographie numérique, il faut toujours exposer pour que les parties claires soient exposées correctement, quitte à déboucher les ombres.
Les deux histogrammes ci-dessous montrent le résultat après correction (auto-levels avec Photoshop), à partir d'une image JPEG (8 bits donc 256 niveaux d'intensité) et RAW (14 bits).
Voyez l'explication de l'histogramme.
Attention: ce n'est pas parce qu'un capteur travaille en 14 bits au lieu de 8 bits que l'image sera nécessairement meilleure.
Une image trop foncée est souvent noyée dans le bruit de fond, et ce n'est pas l'augmentation des bits qui résoudra ce problème!
Puis les chercheurs ont à nouveau extrait la seconde image de l'image composite. Cette seconde image a évidemment une isohélie très prononcée. Cette technique bien connue des services de renseignements permet de cacher une information (cela peut tout aussi bien être un texte) dans une image numérique sans que cela ne se voit.
Cela veut donc dire que l'on peut réduire une image à moins de 8 bits sans perte de qualité apparente.
Même avec une dynamique de 10EV, le format JPEG est parfaitement en mesure de fournir une image correcte sans perte de définition en compressant légèrement les ombres (qui contiennent de toute façon surtout du bruit).
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