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Comme technicien, je suis régulièrement confronté avec le bruit de fond. Le bruit de fond apparait dans tous les appareils électroniques. Les photoscopes, mais aussi la hifi. Un des visiteurs de ce site m'a demandé quel était le rapport du bruit de fond avec le réglage de la sensibilité du capteur (valeur ISO).

Le bruit de fond est toujours présent et a différentes origines. Le bruit de fond n'est pas visible quand il y a suffisamment de lumière qui frappe le capteur (le rapport signal/bruit est important), mais apparait dès qu'il y a moins de lumière et donc de signal.

Fonctionnement d'un capteur (photosite)

Nous décrivons premièrement le capteur d'un appareil photo numérique. Pour la facilité, notre capteur n'a qu'un photosite. Il s'agit d'un photoscope avec 0.000001 Megapixel.

Le pixel se compose d'un condensateur et d'une diode. Le photosite est la diode qui se comporte comme une résistance variable quand elle est éclairée.

  1. Pendant la charge, le condensateur est chargé jusqu'à la tension de charge (qui n'est pas nécessairement la tension d'alimentation).
  2. Pendant le temps de pose, le photosite reçoit de la lumière et le condensateur perd de sa charge via la diode.
  3. Après l'exposition, la charge restante (l'image latente, pourrait-on dire) est comparée à la tension de charge pour connaitre l'intensité lumineuse qui a frappé le photosite.
Mais où est le condensateur? Il est dans la diode. Toute diode branchée en sens inverse se comporte comme un petit condensateur. On utilise cet effet dans les diodes varicap pour l'accord des stations radio ou télé. L'avantage de la diode comme condensateur ne se limite pas au fait qu'on peut éliminer un composant, comme vous allez voir plus tard.

Le fonctionnement d'un capteur est plus complexe que ce qui est décrit ici. Le signal récolté sur chaque capteur doit encore être transféré vers le convertisseur analogique-digital. C'est ici qu'apparait la différence entre les capteurs CCD et CMOS.

Les valeurs ISO

La première question que j'ai reçu d'un visiteur concernait les valeurs ISO. Est-ce-que la valeur ISO est une sorte de réglage du gain de l'amplificateur (un peu comme un bouton de volume sonore)?

La valeur ISO n'est pas uniquement ajustée en modifiant l'amplification du signal des photosites. Quand peu de lumière frappe le photosite (temps de pose très court, petit diaphragme,... ou tout simplement peu de lumière disponible) la résistance de la diode est élevée et le condensateur ne perd que peu sa charge. Il n'y a pratiquement pas de différence entre la tension de charge et la tension restante sur le condensateur.

Si nous utilisons une tension de charge plus élevée, il y aura plus de courant circulant dans la diode pour une résistance identique (loi d'Ohm). Un autre avantage de cette tension plus élevée est que la capacitance diminue: le condensateur est donc déchargé plus rapidement, et c'est exactement l"effet recherché. La capacitance diminue parce que la zone de déplétion devient plus grande.

Mais dans les capteurs les plus récents, la capacité qui joue n'est pas seulement la capacité de la diode, mais la capacité parasite de tous les composants externes. De plus, les composants deviennent si petits qu'un est plus libre de jouer avec la tension: si on l'augmente trop, certains composants pourraient claquer. Malheureusement, dans les capteurs plus récents, le changement de la valeur d'ISO correspond principalement à une modification du gain de l'amplificateur.

On ne peut malgré tout pas dire que l'amplificateur amplifie 1× quand la sensibilité est réglée sur 100 ISO et 2× quand elle est réglée sur 200 ISO. La valeur ISO est un reliquât du temps de la pellicule (où déjà les valeurs ISO étaient très relatives et dépendantes du développement). On continue d'utiliser ces valeurs parce-que le photographe y est habitué.

Les différentes sortes de bruit de fond

Bruit thermique

Nous avons d'abord le bruit thermique (Nyquist-Johnson noise) ou white noise (bruit blanc) parce qu'il ne dépend pas de la fréquence. Ce bruit de fond est produit dans toutes les résistances et dépend de la température (plus il fait chaud et plus les électrons sont désordonnés), mais aussi de la valeur de la résistance (plus elle est élevée et plus les électrons mettent du temps à franchir la résistance et plus ils ont le temps de se dévergonder).

Notre capteur a une résistance très élevée quand il y a peu de lumière, ce qui explique le bruit thermique plus élevé. Le bruit thermique peut être réduit en refroidissant le capteur, mais aussi en utilisant des techniques de fabrication plus soignées pour rendre le capteur plus homogène. Le bruit de fond de Nyquist-Johnson est une limite: une résistance ne peut pas produire moins de bruit de fond qu'une valeur calculée.

Les capteurs de laboratiore qui doivent pouvoir détecter des photons individuels sont plongés dans l'air liquide pour réduire le bruit thermique à zéro. Il est interessant de noter qu'une réduction de 10° centigrade (ou kelvin, c'est du pareil au même) réduit le bruit de fond thermique de moitié.

Bruit quantique

Quand il y a peu de lumière, il y a peu de photons qui frappent notre photosite. Il y en a même si peu qu'on pourrait les compter individuellement: 162 sur le premier photosite, 147 sue le second, 102 sur le troisième. Mais les photosites auraient pu tout aussi bien recevoir 159, 144 et 104 photons (à cause du caractère probabilistique des photons). Chaque mesure contient un facteur d'incertitude qui augmente quand diminue le nombre de photons. Le bruit quantique peut être facilement déterminé en connaissant le nombre moyen de photons qui frappent un photosite. Le nom anglais de bruit quantique est shot noise, mais on utilise aussi le terme bruit grenaille.

On peut réduire le bruit quantique en augmentant le temps de pose (et donc en laissant entrer plus de photons).

Courant de fuite

On ne peut pas augmenter le temps de pose sans contre-partie. A partir d'un certain temps de pose (environ 1 seconde avec les techniques actuelles), l'influence des tolérances à la fabrication se fait sentir. Un photosite placé à l'obscurité n'a pas une résistance infinie. Certains photosites ont une résistance plus faible que la moyenne (la charge se perd plus rapidement). Le courant de fuite devient si important, qu'il n'est plus possible d'obtenir une image valable. Ce courant dépend du temps de pose, mais aussi de la température.

Le bruit du courant de fuite est aussi appelé dark current noise. Il s'agit d'un bruit anormal car il n'existe pas de formule mathématique pour le calculer. Il dépend presque exclusivement des tolérances de fabrication du capteur.

Le moyen le plus efficace pour réduire le bruit du courant de fuite est de prendre une seconde photo après la première (avec l'obturateur fermé), de même durée que la première et de soustraire la seconde image (qui ne contient que du bruit causé par le courant de fuite) de la première (qui contient les deux). Il est possible d'augmenter le temps de pose jusqu'à 30 secondes sans que les défauts typiques du capteur ne deviennent visible.

Refroidissement


Reflex Canon équipé d'un refroidisseur à effet peltier

Le bruit peut être diminué en refroidissant le capteur. Nous réduisons le bruit thermique et surtout le bruit causé par les tolérances de fabrication. La réduction est la plus notable pour les longs temps de pose comme ceux d'application en astronomie.
Il est possible d'acheter un kit aftermarket se composant d'un élément peltier refroidissant l'arrière du boitier de l'appareil photo (là où est situé le capteur). Le mieux est une refonte complète de l'appareil photo. Le capteur est monté sur un échangeur de chaleur (heat pipe) qui extrait la chaleur du capteur et l'envoie vers un système de refroidissement. Le filtre infra-rouge est aussi remplacé car les corps célestes émettent aussi dans l'infra-rouge (et notre capteur y est très sensible).

Valeur ISO et dynamique

Contrairement à la pelliculle sensible dont les caractéristiques changent avec la sensibilité (grain, contraste), le réglage de la sensibilité sur l'APN n'a que peu de résultat sur la photo (si on compense l'augmentation du gain par une réduction du temps de pose).

L'électronique est en mesure de compenser les différences (sauf le bruit de fond qui devient plus important, mais qui ne se remarque pas sur une photo en format réduit (par exemple 1000×1600 pixels).

Par contre ce qui change (mais de façon indirecte), c'est la latitude de pose. A droite vous avez la dynamique d'un Nikon D850, on voit qu'elle diminue quand le gain (ISO) augmente. Comment expliquer ce phénomène?

Le "A" représente une image correctement exposée et utilise toute la dynamique du système, jusqu'à la saturation (dans notre exemple la dynamique est de 15 niveaux). La ligne mauve indique la saturation. Il y a un peu de bruit de fond dans les ombres (le bas du "A").

Le "B" a reçu trop peu de lumière, par exemple parce qu'il fait très sombre. On peut compenser cette sous-exposition par une augmentation du gain, c'est ce qui est représenté par la seconde image. L'augmentation du gain produit une amplification linéaire de toute l'image récoltée, et donc également du bruit de fond. Mais des parties qui auraient été correctement exposées sont maintenant sur-exposées et provoquent un overflow du convertisseur A-D. La dynamique a ainsi été réduite à 5 niveaux dans notre exemple.

Bruit de fond

Un capteur sur un bout de papier


Sortes de bruit de fond

Il existe des formules pour calculer exactement la valeur du bruit de fond, mais cela n'est pas le but de cette page qui décrit simplement le phénomène

Le circuit qui amplifie le signal du photosite ne produit pratiquement pas de bruit de fond. il s'agit d'un adaptateur d'impédance pour rendre le signal du capteur plus stable, suivi d'un référencement (comparaison avec la tension de charge).


Numérisation du signal
(bruit de quantification)

Le signal produit par les photosites sont numérisés. On utilise pour cela un convertisseur A/D (analogique - digital). Les meilleurs convertisseurs fournissent jusqu'à 16 bits de précision (résolution dans le domaine de l'intensité).

Une image au format JPEG n'a que 8 bits de précision. Est ce que cela veut dire que l'on jette la moitié de la précision?

Non, bien sûr: les bits les moins significatifs contiennent uniquement du bruit de fond, et le nombre de bits du convertisseur est en fait plus un argument commercial que technique. Lors de la conversion vers le domaine numérique, il est tenu compte des particularités du capteur: la fonction de transfert n'est pas linéaire.

Les images au format gif (qui n'est pas conçu pour des photos mais pour des graphismes) n'a que 256 niveaux en tout. Les images transformées au format gif contient un bruit de numérisation particulier (bruit de quantification), qui dépend de plus de la formule utilisée pour la transformation: banding (isohélie, passage abrupt d'un niveau à un autre) ou dithering (tramage aléatoire).

Les images JPEG ont également un bruit de quantification, mais celui-ci n'est pas visible, il disparait normalement dans le bruit de fond du capteur. Sauf évidemment si on utilise une forte compression, qui va réduire les détails et ajouter des défauts de compression.

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