Certains capteurs deviennent tellement petits, qu'il s'approchent des limites de la physique: il n'est plus possible de faire plus petit avec la technologie existante. Mais une nouvelle technologie se pointe à l'horizon.
Une image est composée par les nombreuses photodiodes du capteur photographique. Le nombre de photodiodes détermine la résolution du capteur: au plus il y a de photodiodes, au plus la résolution du capteur est élevée. Mais quand on veut une résolution plus élevée sur une surface donnée, il faut réduire la taille des diodes. On s'approche des limites de la physique quand on veut à la fois une résolution très élevée et un très petit capteur.
On peut imaginer que les photodiodes sont des petits seaux. Pendant l'exposition, ils sont remplis avec l'énergie des photon (si on continue l'analogie, un photon est un verre d'eau). Mais si vous voulez plus de seaux sur une surface donnée, il faut les rendre plus petits et ils débordent donc plus rapidement. En termes techniques, on dit que la capacité full well a été réduite.
Les rayons de lumière se comportent comme des particules. Si on éclaire une surface d'un mètre carré avec une lumière diffuse, il y aura autant de photons qui tombent sur chaque centimètre carré de la surface. Mais au niveau microscopique ce n'est plus le cas: une diode reçoit par exemple 125 photons, la suivante 133, la troisième 121 et ainsi de suite. Le capteur est devenu si petit, qu'il compte les photons individuels. Cela produit un bruit causé par la distribution des photons.
Nous avons donc un problème quand on veut réduire la taille des photodiodes (et même deux problèmes). Le premier problème, c'est que les photodiodes ne captent plus "la lumière", mais comptent les photons individuels, dont la répartition est aléatoire. Plus les photodiodes sont petites, et plus le bruit aléatoire devient élevé: c'est une loi de la physique qu'il n'est pas possible de contourner par une amélioration technologique des capteurs existants.
Le second problème, c'est que les photodiodes sont si petites, qu'elles sont rapidement débordées: nous ne pouvons donc pas utiliser une optique plus lumineuse pour améliorer le rapport signal/bruit. Il existe ici des solutions technologiques, mais elles sont complexes.
A un moment donné, on se cogne aux limites de la physique et il faut repartir sur d'autres bases. Il y a encore du jeu pour les capteurs utilisés dans les appareils reflex, mais plus pour les capteurs utilisés dans les smartphones. Si on veut augmenter la résolution d'un capteur de smartphone, il faut nécessairement le rendre plus grand, car il n'est pas possible de réduire encore plus la taille des photodiodes.
On peut également changer totalement son fusil d'épaule et justement utiliser le bruit de fond dans la réalisation du nouveau capteur. Nous allons construire un capteur binaire, qui ne produit qu'un 1 ou un 0, selon que l'exposition dépasse un niveau. Les photodiodes qui ne doivent produire qu'un signal binaire peuvent être plus petites. Une partie de l'électronique qui ne sert plus peut être éliminée (toute la partie analogique: amplificateurs linéaires et convertisseurs AD). Sur la surface d'une photodiode traditionelle, on peut placer une centaine de photodiodes binaires.
Le capteur ne travaille donc qu'en binaire, avec un bit 0 ou 1 pour chaque photodiode. Mais une image composée uniquement de tons blancs ou noirs n'est pas acceptable. Par contre notre capteur va utiliser le bruit pour produire une image normale, même à partir d'un signal qui ne contient que des niveaux haut et bas.
A cause du bruit, un pixel qui aurait dû être un 1 peut devenir un 0 et inversément. Le risque d'erreur augmente au fur et à mesure que l'éclairage se trouve à la moitié: les parties foncées produisent plus souvent un 0 qu'un 1, les parties claires produisent plus souvent un 1 et les parties grises produisent autant de 0 que de 1.
En intégrant plusieurs mesures, on peut utiliser le bruit de fond pour créer une image qui corresponde à l'exposition. On peut intégrer les mesures de deux manières: en effectuant plus de mesures par unité de temps ou en combinant le signal de plusieurs photodiodes. En pratique, les deux méthodes sont combinées:
Un tel type de capteur est appellé oversampled binary image sensor: on prend beaucoup d'échantillons avec le capteur binaire et on lisse le résultat, pour faire apparaitre l'image d'origine.
Si il est bien réalisé, un tel algoritme permet de donner une courbe de sensibilité logaritmique au capteur (une courbe de sensibilité qui correspond à celle d'une émulsion photographique qui résiste mieux à la sur-exposition). C'est pour cela que certains commerciaux qui se sont déjà emparés de l'idée parlent d'"émulsion numérique". L'algoritme transforme la courbe de distribution normale en courbe de Poisson (c'est pas grave si vous ne saisissez pas la nuance).
Le capteur binaire permet de s'affranchir des limites de la physique (c'est pas beau cà?): une photodiode plus petite a une dynamique plus limitée et un bruit de fond plus élevé. Ce capteur utilise justement les défauts des photodiodes microscopiques. Un capteur binaire avec de grosses photodiodes (du genre de celles utilisées dans les reflex plein champ) ne pourrait pas fonctionner: il n'y a pas assez de bruit de fond pour effectuer l'intégration.
Ce type de capteur n'est pas encore utilisé dans les smartphones et les tablettes, mais cela n'empèche pas les fabricants de déjà faire de la réclame pour leur technologie:
|
|
2
3
4
J'utilise un système équivalent dans mon installation de chauffage central. En 2000 quand j'ai acheté ma maison et transformé l'installation de chauffage, les convertisseurs A/D à prix abordables avaient une précision de 8 bits (256 niveaux). En ajoutant du bruit et en intégrant les mesures, j'obtient la précision d'un convertisseur 10 bits. Plus de détails: Amélioration du convertisseur AD.